Conte écrit avec comme première et dernière phrase,
celles de "La petite fille aux allumettes d'Andersen".
Il
faisait effroyablement froid et Juliette était dans la rue. Elle
attendait son papa devant l'école et il ne venait pas. Pourtant dès le matin,
il avait promis : "Je serai là à seize heures, attends-moi sagement assise
sur le muret."
La nuit est tombée et Juliette commence à
avoir peur. La lueur des phares d'une voiture lui rend le sourire : Papa, c'est
Papa ! Hélas, la voiture passe devant elle sans s'arrêter. Juliette frissonne.
Où est-il ? Pourquoi est-il en retard ? Et s'il avait eu un accident ?
Madame Léontine, la concierge de l'école
sort et la remarque.
"Que fais-tu là ?"
"J'attends Papa."
"Par ce froid de canard. Allez viens
avec moi, j'habite tout près."
Sans méfiance, Juliette suit Madame
Léontine. La maison est bien chauffée, mais il y a comme une drôle d'odeur que
Juliette ne connaît pas…
"Veux-tu une boisson chaude ?"
"Oh oui, merci Madame !"
Quelques minutes plus tard, Madame
Léontine revient de sa cuisine avec un bol fumant.
"Goûte-moi ça, mes petits-enfants
adorent."
Le breuvage a une couleur jaune foncé. On
croirait la couleur du vieux pantalon du jardinier, se dit Juliette en y trempant
les lèvres. Ce n'est pas bon ! Mais elle est bien élevée et commence à boire
doucement. Elle entend Madame Léontine : "Bonne nuit, ma petite !"
Quand Juliette se réveille, elle est dans
une cave éclairée par une simple lanterne, elle a froid, elle a soif, elle
crie… Rien, il ne se passe rien.
Dans un coin de la pièce, elle découvre
une vieille couverture mitée. Pour un peu se réchauffer, elle la met sur son
dos.
"Cric, cric…"
Qu'est-ce que ce petit bruit ?
"Cric, cric…"
Juliette en est sûre, cela vient du coin
le plus sombre.
"Cric, cric…"
Juliette écarquille les yeux et enfin elle
aperçoit une petite souris.
"Mais qu'est-ce que tu fais ici
?"
"Je ne sais pas."
Et elle raconte l'école, son papa, Madame
Léontine, le bol et la boisson.
"Eh oui, je connais. Un thé à base
d'orties et de champignons, c'est vraiment mauvais et ça endort en moins de
deux !"
"Sais-tu comment sortir ?"
"Moi j'habite ici et je sors par mon
trou, là dans le coin."
"Un vrai trou de souris, je n'y
passerai jamais."
"Il ne faut jamais dire jamais !
Laisse-moi faire…"
"Bingo, Pingo, Tingo !"
Et Juliette se sent devenir petite, mais
petite….
"Viens !"
Juliette suit son amie. Il fait noir, cela
ne sent pas bon, parfois ça se rétrécit. Juliette se faufile. Elle marche dans
l'eau. Parfois un courant d'air violent la fait vaciller. Elle continue avec
courage. Au loin, une petite lueur. Elle presse le pas. Ça y est !
"Mais où sommes-nous ?"
"Dans le royaume du prince Parlotte.
Je te laisse. J'ai du travail. Un seul conseil : sois polie et dis bonjour à
tout qui t'adresse la parole, ici, il faut parler ! Et souviens-toi : "Bingo,
Pingo, Tingo !"
La souris disparaît et Juliette marche seule
dans ce pays inconnu. Elle croise des gens…
"Bonjour."
Un chien…
"Bonjour."
Juliette arrive devant un superbe bâtiment
tout rose.
Le soldat dans sa guérite…
"Bonjour."
"Bonjour, Monsieur le soldat. Qui
habite ici ?"
"C'est notre bon prince Parlotte, le XIVe
du nom."
"Pourrais-je le rencontrer ?"
"Ce soir, il y a une grande fête et
toute la population est invitée, mais il te faudra être mieux habillée et plus
propre…"
Juliette est désespérée. Elle repense à
son amie.
"Bingo, Pingo, Tingo !"
Et la voilà vêtue comme une princesse et
sentant bon la rose.
La fête bat son plein et Parlotte parle
avec tout le monde. Juliette observe de loin les courtisans qui se pressent. Un
vieil homme à la barbe bleue. Là-bas, une jolie dame accompagnée de sept hommes
tout petits qui se présentent…
"Bonjour, je suis Joyeux."
"Bonjour, je suis Dormeur."
Une jeune femme qui n'a d'yeux que pour
Parlotte et la grande horloge. À minuit, elle disparaît de la grande salle en perdant
une pantoufle petite, si petite. Parlotte la ramasse et la met en poche.
Il s'avance vers Juliette.
"Bonjour Juliette."
"Bonjour Prince. Vous connaissez donc
le nom de tout le monde !"
"Eh oui, je connais tous mes sujets
et tous mes invités."
"Croyez-vous que je pourrais
retrouver Papa et Maman ?"
"Il me semble que tu connais une
formule magique ?"
"Merci Prince !"
Juliette s'éloigne, d'autres personnalités
s'avancent… Une petite fille tout de rouge vêtue avec un panier au bras, une
jolie princesse avec un fuseau acéré à la main et même un groupe de gamins
emmené par le plus petit d'entre eux qui sème des cailloux à chaque pas.
Juliette se décide enfin.
"Bingo, Pingo, Tingo !"
Elle se retrouve assise sur le muret. Papa
klaxonne. Juliette monte dans la voiture.
"Ce soir, tu dors chez Bonne-Maman,
comme prévu. Elle t'attend avec ton dessert préféré : une bonne tarte au riz
!"
Juliette bat des mains ! Une tarte au riz
de Mamy vaut bien toutes les fêtes du monde, même celle du prince Parlotte, le
XIVe du nom !
Avant d'aller au lit, Mamy propose de lui
lire un livre. Juliette a vite fait de choisir "Les contes de
Perrault" et confortablement installée, elle goûtait dans les bras de sa grand-mère la plus douce félicité.
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